Interview ATLANTIS CHRONICLES

 » J’ai essayé d’injecter dans mes textes une vision de la mort optimiste, mais c’est presque un oxymore. » Antoine


Laissez-vous emporter par la fureur des flots, l’atmosphère des profondeurs aquatiques et ouvrez vos écoutilles pour plonger tous vos sens au sein d’un Death metal aux couleurs des abysses. Une avalanche de notes et de mots nous conjugue avec optimisme le mécanisme de la vie, toute mort devient renaissance et nous invite à vivre l’instant présent. La connaissance est indissociable de l’action, alors nettoyez votre cerveau, bougez votre tête et partagez la remontée d’Otis Barton dans les mécanismes complexes d’Atlantis Chronicles et trouvez enfin l’espérance. Échange avec le leader vocal Antoine Bibent, mi-homme, mi-poisson, gourmand et passionné.

Interview réalisée par Hugues Chantepie

Genre : Modern Death Metal
Originaire : Paris
Album : « Barton’s Odyssey »
Label : Apathia Records

Line-up :
Alex Houngbo – Guitare/Backing
Sydney Taieb – Drums
Antoine Bibent – Lead Vocals
Jérôme Blazquez – Guitare
Simon Chartier – Basse

Tracklist :
01. The Odysseus
02. Otis Barton
03. Back To Hadotopia 
04. Within The Massive Stream 
05. Upwelling, part I
06. Upwelling, part II
07. Lights And Motions
08. I, Atlas
09. 50°S 100°W
10. Modern Sailor’s Countless Stories

Comment tu définis ta musique ?
Antoine Bibent : 
Death metal coloré. La couleur c’est un mot que l’on aime beaucoup pour évoquer les mélodies, l’image, ça illustre bien le Death metal que l’on essaye de créer.

Pourquoi avoir choisi un tel mode d’expression artistique ?
Mon premier concert de Death metal, j‘étais déjà assez âgé, j’avais dix-huit ans, c’était Korn à Bercy, m’a créé une charge d’émotions monstrueuse la plus intense de ma vie. C’est peut-être un cliché, mais c’est arrivé à plein de gens pour plein d’arts. Je suis quelqu’un de très sensible aux arts, jeux vidéo, mangas, films, musées, etc., je peux très vite me plonger dans un monde.

Tu es musicien également ?
Non, je ne fais que du chant, mais ça a été un véritable exutoire de voir ces musiciens bouger comme des malades et je me suis dit : « j’ai vraiment envie de faire cela, je ne suis pas musicien mais j’aime bien écrire, lire, créer, du coup pourquoi ne pas composer et interpréter des textes ». J’ai surtout commencé à imiter des chanteurs dans ma chambre, à hurler avec Corey Taylor de Slipknot devant le dvd Disasterpieces. J’ai creusé la chose et un premier groupe est arrivé, puis un deuxième et on finit par progresser.

Quel effet ça t’a fait d’entendre ta voix pour la première fois ?
La toute première fois, c’est lors de l’enregistrement d’une première démo, catastrophique ! et pendant 5, 6 ans je n’ai pas été satisfait de ma voix, je creusais et parfois dans de mauvaises directions. Il y a longtemps que l’on ne m’a pas rappelé ce souvenir !

Tu as pris quelques cours ensuite, tu en as senti le besoin ?
Dès le début, je n’ai pas voulu faire ça n’importe comment, j’ai toujours entendu parler des nodules, des polypes, etc. J’ai donc fait un an de chant lyrique, avec une ancienne prof de l’opéra qui m’a expliqué comment travailler les vocalises. Je lui ai fait écouter ce que je voulais faire, je lui ai dit : « je ne veux pas m’abimer la voix » et j’ai mis à peu près dix ans pour le maitriser.

Tu ne fais que du guttural ?
Non, je m’entraine un peu au chant clair mais pas sur cet album. Ce que j’essaye surtout en ce moment à travers la saturation de la voix, c’est de proposer le plus de notes possible, un peu comme peut faire Joe Duplantier de Gojira avec une voix complètement saturée. J’aimerais pouvoir développer cela avant même de penser au chant clair.

Depuis les débuts comment penses tu avoir évolué musicalement et humainement ?
J’ai un regard particulier car je suis arrivé dans le groupe en 2013, ils ont travaillé leurs fondations avec leur premier groupe sous le nom d’Abysse, avec un style plus Thrash Metal, ensuite ils ont évolué vers un Death Metal plus moderne, plus complexe, avec une avalanche de notes et plus technique en terme de mélodies. Avec le premier album ils ont développé à mort le concept sur le monde aquatique, abyssal et ont changé d’identité vocale en me recrutant. Lors du deuxième album, on savait déjà ce que l’on ne voulait pas reproduire, mais améliorer. Tout a muri depuis la sortie du premier album, on digère mieux les influences pour en faire apparaitre quelque chose de plus personnel.

Donc tu écris ?
Oui, avec un ami d’un groupe pop électro, Guillaume Destot et c’est une brute en anglais ! J’injecte toutes mes idées, lui intervient au niveau de la forme et je tiens à lui rendre hommage car il est très précieux.

D’où vient cet intérêt du mythe universel, tu penses qu’il y a un vrai changement à opérer par rapport à notre monde actuel ?
L’idée directrice de l’apocalypse a été injectée au départ par Alex qui fonctionne surtout en terme d’image « la terre dévastée par les flots ». Moi je prends le prisme de l’apocalypse et du monde marin pour parler de mes reproches vis à vis de la nature humaine et de la civilisation moderne. Je m’abreuve auprès de certains auteurs, ils me nourrissent et m’interpellent par rapport à mon ressenti du monde. J’ai une sensibilité un peu exacerbée face à notre monde tellement particulier, il faut le dire, des divisions, des cultures s’affrontent en permanence, notre monde est très dur. On parle toujours d’un cycle, car s’il y a un phénomène de mort, il y a automatiquement la renaissance, ensuite. Dans la renaissance, il y a la notion de regarder dans le rétroviseur pour tenter de comprendre, comment peut on améliorer les choses et analyser les défauts de notre civilisation actuelle. Je me lâche donc énormément là-dessus, j’en suis heureux car l’univers marin ne me bride pas et me permet de m’ouvrir au niveau des thématiques.

L’album précédent, c’est l’exploration et celui-ci nous ramène à la surface vers de l’espérance.
Tout à fait, c’est l’exact inverse du premier album.

Alors justement vous pensez délivrer un message au monde, a-t-il besoin d’un vrai leader porteur d’espoir (Otis) ?
Ce n’est pas un prophète, car il y a une vraie critique de la religion de manière générale. C’est plus une question de forme dans le récit, ça n’a rien à voir. On voulait l’illustrer par un personnage central, une figure témoin, porteur d’un message, une énigme le dépassant, il représente explicitement l’humain dans lequel on va pouvoir injecter cela. J’ai essayé de rester assez large pour ne pas imposer une seule ligne directrice à suivre à la lettre. C’est aussi pourquoi l’histoire est racontée des millénaires après. Malgré ce que rapporte Otis Barton, les choses durant son voyage, son absence ont évolué, des événement se sont ainsi rajoutés.La connaissance étant indissociable de l’action, je l’explique d’ailleurs dans le premier titre « Upwelling-part I » (premier clip), notre chemin ne doit pas être forcement conditionné par une obéissance des leaders, des bergers car personnellement je n’y crois pas déjà et ce n’est pas très sain de s’engager dans ce genre de voie. Il y a donc des directions multiples et non pas une seule voie, mais c’est vrai, cela passe tout de même par une figure centrale.

Finalement, Otis c’est un peu toi ?
Je suis plus le narrateur en fait ! Le mec racontant comment cela s’est passé pour Otis Barton, ce que l’on en a appris et on essaye de l’injecter. Mais ce n’est même pas à travers moi ! un truc m’intéresse énormément, dans les neurosciences ou la philosophie qui est vraiment « JE » ? très souvent, on peut s’apercevoir lors de l’expression d’une pensée ou d’un mouvement de pensée, c’est en rapport à certaines lectures trouvant un écho en nous. Retranscrire une pensée n’étant pas la notre, mais être juste juste en accord. Je considère que je suis encore un bambin là-dedans, ce sont des échos (Spinoza, Etienne Klein, Alexandra Steel, Hubert Reeves, etc), qui font ma narration et pas encore mes propres systèmes de pensée. Si ça m’intéresse d’écrire, c’est pour retranscrire la pensée de gens qui me nourrissent comme cela.

Le non du groupe « Atlantis Chronicles » ne risque pas de vous limiter un jour ?
Pour être très franc avec toi, ce n’est peut-être pas le cas de tout le groupe, mais au niveau scientifique il y a encore beaucoup de mystère autour de ce milieu là. Ça suscite encore beaucoup de fantasmes, de mythes et de légendes, un univers très intéressant en terme d’image. C’est juste un prisme à travers lequel je passe et pour la thématique je ne me sens pas du tout bridé. On restera ancré dans ce monde là de toute façon, après on peut en faire ce que l’on veut.

La complexité des morceaux ; la richesse, on est loin des schémas classiques, pourquoi ? la simplicité est inadéquate pour transmettre un message ?
On est nourri par cette musique là, le côté progressif, ce Death metal très fouillé, on a donc envie de le créer à notre sauce. Chacun a sa propre définition de la simplicité, c’est une notion très relative, pour certains on sera trop confus, pour d’autres trop simples. Le fait que notre musique soit très alambiquée c’est parce que l’on est très gourmands au niveau des sensations, des rythmiques, des mélodies et puis le Death metal est comme cela, il y a donc une forme de conditionnement.

Il y a quand même un esprit très sombre, par rapport à l’espérance de la remontée d’Otis ? vous cherchez quand même à être porteurs de liberté à travers votre musique ?
C’est vrai, la notion de mort plane, elle est très présente, je comprends donc le sentiment sombre, j’aime que les gens interprètent et s’approprient les choses. Après, j’ai voulu vraiment intégrer beaucoup d’optimisme par rapport à cela, mais c’est très dur à encaisser, même moi j’y travaille, savoir la mort présente, chaque moment meurt, on va terminer cette interview, ce moment disparaît, mais à la fois quelque chose de nouveau renait. Je pense continuellement à ce mécanisme, « mort/renaissance » et cette vision permet de garder de l’optimisme et de profiter de l’instant présent. C’est pour cela que j’ai essayé d’injecter dans mes textes une vision de la mort optimiste, mais c’est presque un oxymore. C’est difficile à comprendre et à capter c’est peut-être pour cela que ce n’est pas toujours réussi ! De toutes façons c’est un sujet avec lequel je n’ai pas terminé d’en découdre !

Pourquoi avez-vous intégré du chant clair sur deux morceaux de l’album ? Pour avoir une voix différente, tu n’avais pas envie de te lancer ce défi ?
Jérôme notre guitariste pratique le chant clair sur l’album, c’était une envie profonde de sa part, il compose des solos comme il chante. Moi j’ai développé plus de notes dans le chant saturé. J’aime le chant clair dans le Metal mais avec parcimonie, je ne suis pas fan des groupes de Metal faisant refrain chanté, couplé hurlé, j’ai vraiment du mal avec cela. J’aime bien lorsque cela sert vraiment le morceau et Jérôme nous a proposé une interprétation qui nous a vraiment séduit, alors on a dit : « Bingo ».

Et la voix d’Otis Barton ?
Pour Otis Barton, on voulait une voix claquante, cinématographique, monstrueuse marquant les esprits comme parfois sur les gros thrillers avec un bon accent anglais. Mon pote Raphaël a vécu en Écosse, il s’est bien dévoué à la cause car je lui ai envoyé les textes peu de temps avant l’enregistrement et il a vraiment cherché à les jouer à 100 %, un pur boulot !

Pour être moins sérieux, tu as quelques anecdotes à nous donner sur l’enregistrement ?
Me concernant, ce qui me fait le plus marrer c’est mes pétages de câble, car des fois on passe cinq six heures à enregistrer de la voix, je n’y arrive pas, ma voix déraille, du coup je m’énerve et je me trouve très vite ridicule. C’est surtout  qu’au bout d’un moment c’est prise de tête et on part dans des délires complètement absurdes.

Et rapidement au niveau Création ?
Ça discute beaucoup, deux piliers fondateurs, Alex et Sidney, mais on apporte tous notre pierre à l’édifice. Chacun est très attentif à l’autre, par contre nous ne sommes pas toujours en accord, des fois ça coûte un bras quand tu es obligé de lâcher une idée, mais finalement personne n’est lésé. On a des rapports humains très jolis dans le groupe.

Sydney à la batterie nous explique que son approche de son instrument est moins ciblée Metal, pourquoi ? Que ne pouviez vous pas exprimer avec une batterie purement Metal ?
Sydney s’est très vite illustré comme étant un batteur traçant sa route à travers le Death metal, mais Alex et moi on lui a demandé d’expérimenter d’autres techniques comme nous tous sur ce nouvel opus, il a été enthousiaste, un peu plus de contre temps, plus de fioritures au niveau des cymbales, etc, on voulait gagner en complexité et il a trouvé des petits plans à gauche à droite. Envie de murir et d’explorer de nouveaux horizons.

Le petit mot de la fin
Prenez soin de vous, allez voir des concerts et gardez la scène Metal vivante.

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