Interview Tarah Who?

« Je continue toujours de jouer des trois instruments dans différents projets”


Interview réalisée Martine Varago

Tarah Who?
EP :
64 Women
Label : M&O
https://tarahwho.com/

Boosteleson vous raconte toute l’histoire ou presque du groupe Tarah Who? Groupe 100 % Punk Rock, la formation antérieure était composée du duo Coralie Hervé à la batterie et de Tarah Carpenter (chant, guitare). Aujourd’hui, pour assurer une tournée européenne aux côtés de Prong et de Life of Agony, qui vient juste de se terminer, Tarah a appelé de l’aide et s’entoure de musiciens venus des quatre coins du monde, Ash Orphan, l’Irlandais à la basse, Laura Chevalier, la Canadienne à la batterie et Christine Agozzino, la Parisienne à la guitare. Elle donne toute son énergie sur scène et ses musiciens ont la même attitude. Côté texte, ils sont surtout autobiographiques, ce sont des expériences, des pensées, des vibrations ressenties… Tarah évoque des chansons qui la touchent. Elle a, par ailleurs, écrit « Sirens » une chanson sur les attentats à Paris et c’est d’ailleurs jusqu’à présent la seule chanson dans laquelle elle chante en Français. De leur EP « 64 Women », un titre d’album qui rappelle le périlleux séjour des femmes immigrées à L.A. Et celui de Tarah elle-même.

Boosteleson : Tarah, tu as eu un parcours difficile en tant qu’immigrée française aux États-Unis puisque tu étais retenue au centre de détention de l’immigration à Downtown L.A. avec 64 femmes en 2014. Peux-tu nous en dire un peu plus, pourquoi es-tu partie à L.A. ? Et comment es-tu sortie de cette prison ?!!!
Tarah G. Carpenter : oui ! Alors… Je vis aux US depuis que je suis toute petite, et j’ai fait une année scolaire dans le Kentucky. J’ai toujours été attirée par la culture américaine et dès que j’ai pu, j’ai mis des sous de côté pour venir m’installer à Los Angeles. C’était en 2006. Je suis venue avec une guitare, quelques trucs essentiels pour ma musique et quelques fringues. Les ami(e)s qui me rendaient visite passaient faire un tour chez mes parents avant de partir pour récupérer des affaires, autres guitares, interfaces, etc… J’ai commencé Tarah Who? À Los Angeles. Je me suis sentie très libre contrairement à mon expérience en France où lorsque je disais que je faisais de la musique j’avais des réponses telles que : « Non, mais vraiment tu fais quoi, parce que ce n’est pas un métier ça ! » A force, ça devenait lourd. Lorsque j’allais dans un magasin de musique, même les vendeurs ne me prenaient pas au sérieux, si je venais avec mes Bandmates, ils pensaient que j’étais la copine, alors que c’était moi qui achetais du matériel ! Je voulais prendre des cours de batterie et le « professeur » m’a regardé de haut en bas et m’a répondu : « Bon… Tu as une batterie ? Tu as déjà essayé ? Reviens dans un an et si tu es toujours intéressée, on verra à ce moment-là ! »

Boosteleson : c’était différent aux États-Unis ?
Tarah :
lorsque je suis arrivée à Los Angeles, je me suis sentie bien tout de suite et j’ai pu avancer dans la musique. Je suis arrivée avec un visa étudiant, bon… C’était pour apprendre l’anglais… Je n’avais pas de problème à ce niveau-là… Mais c’était le moins cher parce les écoles ici sont hors de prix. Au bout de quelques années, j’ai pu faire une demande de visa « Artiste ». Celui-ci était en cours au moment où je suis rentrée en France pour une tournée. Lorsque je suis arrivée à Los Angeles, à l’immigration, ils m’ont emmenée dans ce qui s’appelle la deuxième immigration (là où ils inspectent un peu plus). Je ne me faisais pas de soucis, vu que j’ai toujours fait attention, mais l’inspecteur sur lequel je suis tombée a émis des soupçons à mon encontre, il pensait que j’étais restée lors de mon dernier séjour un jour de plus que la date d’expiration de mon visa. J’étais sûre que non, parce que j’avais bien fait attention de rentrer avant, mais je ne pouvais pas le prouver.

Boosteleson : et que s’est-il passé ?
Tarah :
Je voyageais avec mon chat, et comment dire… C’était les règles mensuelles… Pour les femmes… Vous savez… Bref… Je vous passe les détails, mais ils sont importants pour la suite. Donc, là pour la première fois, ils m’emmènent en troisième immigration. Depuis ce jour, je sais que si on ne passe pas la deuxième immigration, c’est que c’est mort. La troisième immigration, cela signifie qu’on monte un dossier, et que tu dois faire demi-tour. Il me semble que j’avais atterri vers midi, je ne suis plus trop sûre, dans ces salles il n’y a pas d’horloge, et on n’a pas le droit au téléphone portable non plus. Si un officier vous surprend avec, il vous le confisque, comme à l’école ! Je suis donc derrière, et j’ai le droit à une fouille assez intense et très désagréable car, après un vol de 14h, c’est rarement la forme et l’hygiène la plus folle. Mais en plus, indisposée, ce n’était pas top. Puis je suis emmenée dans une autre salle où il y a quelques chaises, une télé et des DVDs. On ne me dit rien, ni ce qu’il se passe, ce que j’attends. Je n’ai pas d’eau, on ne me demande rien, juste « Reste ici ! On revient. » J’attends. Ça commence à faire long… Je mets un DVD et je commence à compter le temps, les heures, en calculant à partir du nombre de DVDs qui passent. Lorsque je demandais la permission d’aller aux toilettes, j’étais escortée, toujours sans téléphone. On m’a tout pris et mon chat est resté dans une autre salle, dans son sac. Je me fais interroger et enfin j’ai le droit de passer un coup de fil. J’appelle mon avocat, pas joignable, j’appelle ma femme, (ma fiancée à l’époque) je lui explique et elle prend tout en charge. Elle m’attend à l’aéroport mais n’a pas le droit de me voir… Un officier vient me chercher et me dit : « Viens avec nous, on va t’emmener dans un endroit où tu seras plus à l’aise pour passer la nuit. » Bêtement je le crois et lui réponds : « Ok, je vais chercher mon chat. » Ils rigolent tous, il devait être 4 ou 5 heures du mat et l’un d’eux répond : « Non, Madame, là où on vous emmène, vous ne pouvez pas avoir votre chat ! » Cela m’agace et je leur rétorque que l’animal est resté dans son sac depuis des heures, sans manger, sans boire. Je leur demande alors de me laisser le voir. Après m’être occupée de mon chat, ils m’emmènent, les mains menottées dans le dos dans un Van qui m’attend. Je monte dedans, je ne vois rien à cause des grilles mais j’aperçois, entre les petits trous, la ville et je reconnais Downtown. Il n’y a plus de circulation, l’aéroport est fermé.

Boosteleson : et où t’ont-ils emmené ?
Tarah :
dans une prison et comme dans n’importe quel épisode de série de prison c’était exactement pareil ! J’attends mon tour : prise d’empreintes et de photos. Ils me demandent d’enlever mes lacets et tout ce qui pourrait me servir d’armes ou qui pourrait me faire mal. On me met dans une cellule et encore une fois j’ai droit au : « Attendez ici ! Je reviens dans une minute. » Cette fois-ci l’officière est revenue, avec du lait périmé, une compote, je crois, et je ne sais plus, il y avait un troisième truc assez nourrissant. Mon premier repas de la journée ! Elle me demande si j’ai besoin d’autre chose. Je lui réponds assez sèchement : « Oui, un tampon ! » Elle revient avec des serviettes énormes, j’en peux plus ! Il faisait super froid dans cette cellule, il y avait un WC, et, au moment où l’officière s’apprête à partir, j’ai encore droit à un : « Restez-là, je reviens vous chercher ! » J’attends pour utiliser les toilettes. C’est vraiment comme dans les films… Les toilettes très désagréables et sans porte… Donc tu te dis : « Je peux attendre encore cinq minutes, à tous les coups quelqu’un va rentrer à ce moment-là ! » Bon, personne ne revient avant 5 heures je crois. Il y a une télé qui reste bloquée sur une chaîne et une pub, le truc qui te rend dingue. Je me mets en boule, impossible de dormir parce que j’avais trop froid. Vers 6 heures du matin environ, une officière ouvre la porte et une autre détenue entre. On discute un peu et elle me parle de la prison. C’est elle qui me raconte qu’il y a 64 femmes ici. On parle un peu de ces femmes, de la vie en prison. Elle, elle avait été prise à cause de l’héroïne. Environ une demi-heure plus tard, trois autres détenues nous rejoignent. Leur énergie est différente, un peu plus rentre dedans. L’une d’elle, par exemple, n’a pas hésité à aller aux toilettes. Voilà… Bon, bah ça m’a donné du courage, j’y suis allée ! Allez ! Peut-être une heure plus tard, on vient enfin me chercher. Je monte dans un autre Van, j’arrive à LAX (ndt : aéroport international de Los Angeles) et je retrouve les mêmes officiers. Je leur demande de voir mon chat avant qu’ils ne me renferment dans la pièce de la veille pour je ne sais combien d’heures. Je crois 2 DVDs plus tard, je retourne au comptoir payer à nouveau pour le transport de mon chat et ma deuxième valise, enchantée bien sûr ! Les policiers m’emmènent dans une salle VIP avant l’embarquement. Je suis escortée jusqu’à Paris où je reviens, dégueulasse et épuisée. Finalement, je retrouve dans ma chambre la preuve que je n’étais jamais restée après expiration de mon visa ! Après cet incident, j’ai eu ma carte verte. Je n’ai plus de soucis pour voyager, je connais bien les officiers de LAX. On se croise dès que je voyage à l’étranger.

Boosteleson : Où habites-tu actuellement dans la ville des lumières ? C’est immense !
Tarah :
j’ai commencé à vivre dans Koreatown, puis à EchoPark / Silverlake, North Hollywood et en dernier à Hollywood, à La brea. Los Angeles en ce moment, c’est vraiment grave. Les loyers ont augmenté et on a beaucoup de SDF. C’est très triste. 

Boosteleson : Parlons de ton dernier EP : dans quelles conditions l’as-tu enregistré ?
Tarah :
je connais Thomas Lang depuis quelques années et je voulais un son spécial pour les Drums. Thomas nous a invitées chez lui et on a fait les Drums. Ensuite on a été dans le studio de Jason Orme (Alanis Morissette) et on a fait tout le reste. J’adore travailler avec Jason. C’est un ami de longue date et c’est très agréable d’enregistrer avec lui. Il nous laisse libres de faire ce qu’on veut mais il propose de très bonnes idées également. Il est comme un membre du groupe !

Boosteleson : Quelle éducation musicale as-tu reçue ?
Tarah :
je suis autodidacte pour tous les instrus. J’ai commencé par la batterie : quand l’autre con m’a dit non, ça m’a boosté pour lui prouver le contraire. La basse est venue quelques mois après et la guitare quand j’étais étudiante lors d’un programme d’échange dans le Kentucky. Je continue toujours de jouer des trois instruments dans différents projets.

Boosteleson : Quels sont tes Guitar Heroes et tes Drummer Heroes ?
Tarah :
euh… Guitare… Honnêtement, je ne connais personne et je ne suis pas fan de solos. J’aime bien les musiciens qui ont leur personnalité avec leur instrument. Les musiciens qui innovent, qui arrivent à faire leur propre son avec rien. A la batterie, j’adore Anika Nilles (batteuse allemande). Elle a un son mortel, et en créativité, elle est juste géniale !

Par un soir d’hiver bien frileux, Tarah Who ? a la tâche de réchauffer le public en première partie des New Yorkais Prong et Life Of Agony. Le groupe y réussit à merveille avec une set list royale «Royal Knight», «Rainy Day», «Freshmeat Rockstars», «Toast Of the Brave», «Showdown», «Pantomath» et pour terminer «Ache». Après avoir joué au Forum à Vauréal le 29 janvier dernier, Tarah nous confie quelques-unes de ses impressions sur leur première véritable tournée.

Boosteleson : Comment se passe cette longue tournée initiée le 13 janvier avec Prong et Life Of Agony ?Tarah : c’est intense et fun. On court dans tous les sens et on fait tout en voiture, seuls, que ce soit la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, le Royaume Uni ou la France. Pour Prong et Life Of Agony, ils ont un tour manager, donc c’est organisé. Nous sommes indépendants. Avec plus de galères mais aussi plus de choses à raconter !

Boosteleson : Vous parvenez à jouer avec des groupes qui ont des déjà leurs fans clubs. Comment avez-vous été sélectionnés ?
Tarah :
c’est Alexandre Saba de M&O qui a proposé notre candidature et le tour manager de Life Of Agony a choisi : « OK pour Tarah ! » C’est très dur de booker des dates pour le groupe et c’est la première fois qu’on obtient des belles dates avec des belles scènes et un bon public. Grâce à cette tournée actuelle, on a obtenu une seconde tournée au Royaume Uni.

Boosteleson :  Vous utilisez des dizaines de pédales d’effet sur scène !
Ash :
principalement de la saturation, de la distorsion pour la basse.
Tarah : des chorus pour la guitare, des Delay.
Ash : sur scène, on utilise aussi des séquences via l’ordinateur.
Christine : des séquences de la voix, de la basse, des percussions, du violon, du piano…

Boosteleson : Sur l’album « 64 Women », tu es en duo. Mais cela ne t’empêche pas de déborder de créativité. Et le prochain LP comment s’intitule-t-il ?
Tarah :
Il s’appelle « The Collaboration Project ». Il est prévu pour la fin avril 2023. Il y a des morceaux que j’ai réalisés seule. Je joue les parties de basse, batterie et guitare en studio à cause de la distance. Le bassiste vit en Irlande, la batteuse à Montréal, au Canada et Christine à Paris.

Avec les rencontres plus récentes de ses trois musiciens et ses quelques galères, Tarah, toujours positive et pleine d’énergie, poursuit avec une tournée 100% Punk Rock en avril au Royaume Uni.

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