La belle et la bête !
Beyond The Styx nous emmène en croisière entre deux mondes à la frontière des vivants, des morts, du metal et du hardcore, tout en gardant une pincée nostalgique de rock’n’roll. Bercé par la mythologie, le combo se prépare depuis 2011 à relever tous les défis. Entre exutoire et violence positive, les premiers défis sont relevés. Adrien, batteur et multi-instrumentiste, s’exprime en toute simplicité sur sa conviction d’appartenir à une grande famille et sur l’accouchement de « Leviathanima » en neuf mois tout rond.
Interview réalisée par Hugues Chantepie


CD : « First the town, then the world »
Label : All Styles Editions
Membres :
Greg : guitar / vocals
Titouan : guitar / vocals
Tom : bass / vocals
Jérôme : drums / vocals
Tracklist
01. First The Town, Then The World
02. Behind The Wall
03. Parted Ways
04. Always Rain
05. Down
06. Tomorrow Starts Today
07. These Towns Need Guns
08. Behind The Wall (acoustic)
Peux-tu nous briefer rapidement sur l’histoire de la formation ?
Le groupe est né à Tours en 2010, composé de cinq musiciens : un chanteur, un bassiste, deux guitaristes, un batteur. Les premiers concerts datent de 2011. Le line-up a évolué il y a deux ans pour des raisons artistiques et familiales. On a donc été obligé de recruter un nouveau guitariste rythmique et un bassiste. Nous ne sommes plus que trois musiciens fondateurs.
Beyond the Styx, au-delà du Styx, l’enfer vous fascine ? Aller au-delà de l’idée de l’enfer, ça mérite quelques explications…
Le Styx dans la mythologie, c’est la rivière qui sépare le monde des vivants du monde des morts. Nous ne voulons pas instaurer un esprit religieux, une notion d’enfer, c’est tout simplement se questionner sur notre véritable place en tant qu’être humain. Est-ce que l’on est mort lorsque l’on regarde les vivants ? Ou inversement ? Est-ce que l’on se situe entre les deux ? Est-ce que l’on y va ? Est-ce que l’on en revient ? Est-ce que l’on regarde devant soi ? Plein de questions comme celle-ci, d’où ce nom pour le groupe Beyond the Styx.
Un message particulier ?
Bien sûr, partager des valeurs humaines, la musique, rencontrer du monde et s’éclater. Nous souhaitons que chacun puisse y trouver sa libre interprétation. Nos textes sont écrits avec beaucoup de métaphores, sont très imagés, c’est le regard d’un homme sur un homme avec un grand H et un seul constat, qu’est-ce que l’on peut bien faire de tout cela ? Mais sans côté dépressif, on ne chiale pas constamment. (Rires)
Votre album est brutal, puissant et torturé, d’ou tirez-vous vos influences ?
On a des influences communes et à la fois très diverses, c’est la richesse de notre musique. Les influences partagées, Terror, Lamb Of God, Walls of Jericho, du metal au sens large.
Pourquoi un tel mode d’expression artistique ?
Derrière tout cela, il y a de grandes valeurs, dans l’univers hardcore on rencontre beaucoup de personnes du metal sur la route et finalement on se rend compte assez rapidement que nous faisons partie d’une grande famille. Cette musique nous a bercés et lorsque l’on a commencé à jouer, on s’est investi dans ce style de musique sans se poser de questions. Malgré tout, le combo évolue depuis le premier EP, le style est plus affirmé ; on expérimente toujours, mais avec la certitude de ce que l’on veut produire comme son.
Le titre de l’album, « Leviathanima », révèle-t-il le souhait en vous d’un cataclysme capable de modifier la planète ? Ça reflète votre état d’esprit ?
C’est la contraction de Léviathan et anima qui veut dire âme, pour certains Leviathan c’est la bête, l’Apocalypse, la fin de quelque chose. Pour le groupe c’est un nouveau départ, un renouveau, cet album est la continuité de l’EP et la prochaine évolution de Beyond avec de nouvelles dates, de nouveaux morceaux… donc est-ce que c’est le début ou la fin de quelque chose, c’est l’intérêt de la chose. A la base, Emile notre chanteur est énormément bercé par la mythologie gréco-romaine depuis sa tendre enfance, il est fasciné par l’idée de la représentation de la monstruosité au sens large du terme et lorsqu’il nous propose des textes, il nous les explique plus ou moins. Cet univers n’est pas un prétexte, c’est une façon de faire passer les choses, mais il n’y a pas que la mythologie, sa source d’inspiration se trouve également dans le cinéma, à travers la rue, une phrase entendue et parfois ça part d’un seul mot tout simplement.
Parlez-nous un peu du producteur Jamie King…
Notre EP, on l’a enregistré au Dôme studio à Angers avec les frères Poitevin. Pour le nouvel album, on a voulu continuer avec eux car ils sont très professionnels, ce sont des potes avec lesquels on déconne pas mal donc on a refait les prises ensemble. On voulait faire le mixage et la production ailleurs, aux États-Unis, on avait envie d’une autre oreille pour le mixage. On a cherché en France et en Europe, de fil en aiguille, on a repéré plusieurs personnes avec un mixage qui nous intéressait et finalement un pote nous a parlé de Jamie King, il avait déjà travaillé avec lui et nous a proposé de le contacter. On l’a fait sans attendre et en deux jours, il a répondu à toutes nos interrogations, expliqué sa façon de travailler, écouté les morceaux de notre EP et les pré-productions de l’album… Clairement, Jamie a été emballé et a eu envie de bosser avec le groupe, voilà pour la petite histoire. On n’a pas pu se déplacer aux États-Unis pour des questions financières, surtout au mois d’août, les billets ne correspondaient pas à notre budget. Le mixage s’est donc fait à distance. J’ai une petite anecdote : lors des prises d’enregistrement des chœurs, on était une quinzaine de mecs en studio dans une chaleur horrible, étouffante, dans les odeurs de transpiration avec la menace d’un orage et le studio limite inondé. Un énorme souvenir ! On s’est bien marré. (Rires)
Musicalement, avez-vous eu des défis particuliers à relever avec ce nouvel album ?
Oh oui, plusieurs défis se sont présentés à nous. En premier lieu, intégrer le nouveau line-up, on l’a chamboulé à peu près au moment ou on allait commencer la composition du nouvel album, alors rebâtir une osmose avec des musiciens que l’on ne connaît pas vraiment n’est pas chose facile. Finalement, avec beaucoup de maîtrise et de chance, tout s’est bien passé et tout le monde a trouvé sa place naturellement. Ces nouveaux membres, nous les avons recrutés par le biais de petites annonces. Tout s’est passé facilement en ce qui concerne les guitaristes, on en a reçu deux et le deuxième était le bon. On a plus galéré pour le bassiste, les candidats étaient un peu hors réalité, se présentant avec les mains dans les poches, on a été obligé de leur expliquer que l’on cherchait vraiment quelqu’un de sérieux. Un mec nous a appelés, un ancien bassiste d’un groupe qui tournait pas mal sur Tours. Il voulait réintégrer un groupe de metal, ça lui manquait trop. On a parlé, échangé, en deux jours il avait appris trois morceaux, en une semaine il connaissait cinq morceaux donc on s’est dit c’est parti, ça va le faire ! Le deuxième défi, c’était de composer cet album en neuf mois avec cinq musiciens qui ont des influences communes mais également très diverses, car on compose d’une manière très démocratique, chacun amène sa petite pierre à l’édifice. Beyond the Styx, ce n’est pas une personne qui compose et quatre musiciens de session, tout le monde propose et donne son avis donc tout ça prend du temps parfois. On construit, déconstruit, mais on a réussi à composer nos douze titres dans les temps impartis. Un travail intense, trois, quatre répètes par semaine, l’ensemble du combo était donc toujours ensemble, ce qui est important pour lier le groupe. Le troisième défi consistait à essayer de trouver un label, pas pour l’aspect financier mais l’envie d’intégrer un collectif, roadster avec des groupes, partager des valeurs qui nous ressemblent avec des gens qui peuvent nous apporter de nouvelles choses, échanger avec nous et c’est le pourquoi du choix du label Klonosphere.
Depuis votre premier EP « Sloughing off the Shades » en 2012, de quelle manière penses-tu que le groupe a évolué ?
On a évolué techniquement, car on a fait énormément de scène, ça forge l’expérience et on voulait vraiment un album exploitable en live. Tout est fait à la maison, on n’a pas de tourneur et trouver des dates prend énormément de temps. Jusqu’à cette signature on gérait tout nous-mêmes, malgré tout on continue de booker par nos propres moyens.
Parles-moi de ton implication au niveaux des textes…
C’est le chanteur qui écrit tous les textes, moi j’interviens plutôt au niveau du placement rythmique de son texte, du phrasé et je lui demande par exemple d’allonger ses rimes, un peu plus dynamique ou un peu plus rentre-dedans, plutôt sur des choses comme cela. Ce n’est pas un concept album, tous les titres peuvent s’écouter indépendamment les uns des autres. Même s’il y a des effets de transition entre certains morceaux.
Parles-moi de toi, Adrien…
Je ne suis pas batteur à la base, j’ai fait du piano de 6 à 14 ans. Mon père lui est batteur, pas du tout dans le metal mais dans le jazz. J’avais envie d’essayer autre chose, d’autres d’instruments, je m’investis depuis une petite dizaine d’années sur la batterie. Mon rôle est de m’occuper de l’arrangement parce que les guitaristes construisent leurs riffs, me les amènent et me les font écouter. C’est cool, mais parfois je leur dis que l’on pourrait le mettre ailleurs ou essayer autrement. Je suis une autre oreille. J’ai le rôle également technique du groupe, je ride les fiches techniques. Je joue un peu de tous les instruments, je suis prof de musique, je fais un peu de gratte, de la basse, du piano, de la batterie, je fais également des MAO et m’occupe des pré-productions du groupe. J’ai ça dans le sang ! (Rires)
Pensez-vous avoir quelque chose qui vous démarque des autres groupes de hardcore ou ça vous passe au-dessus de la tête ?
Sans prétention aucune, ce qui fait notre force c’est notre panel d’influences, on ne souhaite pas appartenir à une seule branche. Lorsque l’on fait des concerts avec des groupes de hardcore, on nous dit qu’on est des métalleux et lorsque l’on fait des concerts avec des métalleux, on nous traite de hardcore. Mais cette position nous plaît, car on a l’impression d’avoir relevé notre défi. On a réussi à intégrer et mélanger nos d’influences.
Certaines parties de guitares sont très mélodiques, quelles en sont les influences ?
Clairement il y a une histoire d’accordage de guitare, on reste dans un accordage presque standard en drop de ré, dans un registre aigu de la guitare contrairement à d’autres groupes qui vont être en drop de do, beaucoup plus gras. Cet accordage garde un peu cet esprit rock’n’roll parce que l’on vient de là aussi, la mélodie pour nous est une valeur ajoutée aux saccades, au rythme et finalement elle fait tout.
Qu’est-ce que le « metal » aujourd’hui pour toi ?
Le metal pour moi ça représente une grande famille au sens large, car on peut faire plein de choses différentes avec la même base. Par exemple, en partant d’un riff, on peut le tourner de façon tellement différente et pourtant ça reste le même rythme à la base.
La vision du hardcore ne vous paraît-elle pas véhiculer une certaine violence, une colère ?
Une certaine violence peut-être, mais on n’est pas des tueurs à se taper dessus, à tout casser. Je dirais que c’est plutôt une violence positive, je ne généralise pas tout le metal bien sûr mais c’est une forme d’exutoire pour nous, quand on est sur les planches on se donne à cent pour cent, on a envie d’être là et une fois descendu de la scène, le job a été accompli et nos batteries sont rechargées, quel bonheur.
Existe-t-il d’autres cultures musicales ou artistiques que vous souhaiteriez inclure dans votre démarche ?
Dans nos futurs clips on aimerait aller un petit peu plus loin, travailler avec des réalisateurs. Le premier clip de ce second album a été fait par un réalisateur qui avait bossé avec The Arrs (Ndlr : groupe français de metal hardcore, originaire de Paris et créé en 1998) qui nous a proposé des choses, mais on aimerait encore évoluer, imager un peu plus notre concept. Ça prend du temps mais les idées commencent à germer. Pour la pochette, on a travaillé avec un graphiste de Tours, Guillain Le Vilain, un véritable dessinateur et sans infographie. La prochaine fois, on aimerait travailler également avec d’autres artistes, s’ouvrir aux multiples facettes de la création.
Un souvenir ou un concert vraiment marquant ?
Une anecdote assez récente où pour la première fois le public chantait nos paroles en concert, effet marquant pour le groupe et on s’est dit : « Oh p***** c’est cool ». Mais aussi de grosses galères, par exemple la tête d’ampli du guitariste qui flanche en plein milieu du show et bien sûr on ne possède pas la grosse production américaine avec quatre têtes d’ampli derrière, nous quand ça casse il n’y a plus de son. Il faut être réactif, essayer de réagir vite, se faire prêter une nouvelle tête d’ampli d’un autre artiste et le chanteur qui essaye de meubler, raconter des conneries pendant deux, trois minutes, c’est extrêmement long sur scène mais finalement ça forge l’expérience et c’est ultra formateur. Et ça laisse de très bons souvenirs.
Le fait de vivre dans une ville de province, vous le considérez comme un avantage ou un inconvénient ?
Je peux y répondre parce que j’ai vécu un an à Paris. C’est très positif dans le sens où ça coûte nettement moins cher, un endroit pour répéter. Il n’y a pas photo : on peut avoir notre propre local de répète, chose impossible à la capitale à moins d’avoir des moyens et des connaissances. L’autre aspect positif c’est que l’on a l’envie de jouer à Paris, mais également dans d’autres régions, on est plus ouvert sur le monde. Certains groupes de potes de la capitale ne tournent qu’à Paris et en région parisienne, mais on a envie de leur dire, eh les gars venez chez nous ! Finalement, c’est un avantage la province, dans le sens ou ça nous permet de nous dire que rien n’est acquis.
Quel est votre point de vue sur le téléchargement illégal en tant qu’artiste, mais aussi en tant que consommateur ?
Quand j’étais adolescent, on se servait du graveur de cédérom, on se passait les CD gravés et ça permettait de découvrir plein de choses. Aujourd’hui, il y a plein de moyens de découvrir beaucoup de groupes sans être dans l’illégalité avec toutes les nouvelles formes d’écoute comme Deezer, Soundcloud, etc. Par contre, entre acheter un album ou le télécharger, c’est clair que je l’achète !
Vous êtes présent sur Facebook, ce contact avec vos fans via les réseaux sociaux est-il important ?
Le contact avec les fans est très important, on est très ouvert avec les gens qui viennent nous parler. Nous n’avons aucun problème de communication, ce que pensent les gens du groupe est très important, notre musique, nos performances, etc. Nous sommes très ouverts aux critiques. Deux d’entre nous s’occupent en permanence de notre Facebook.
Pour finir, un petit mot sur la suite de Beyond the Styx ?
Beyond the Styx va tourner et défendre son album et faire savoir à tout le monde que l’on est bien là. Puis on va reprendre la composition pour repartir, parce qu’un album ce n’est pas une fin, mais un nouveau départ.
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