« Si vous aimez la musique faite en sorte qu’elle reste vivante.» Vincent
Toute cette mélancolie et cette fureur transmise par AqME réveillent notre tendance à perdre toutes émotions et toutes capacités à les transmettre. L’électrochoc est parfois indispensable pour l’être humain doté de raisons de dominer et comprendre sa propre nature afin d’améliorer ses chances de survie avec la furieuse envie de « dévisager Dieu ». AqME survivant du néo-metal évolue avec sa propre identité quels que soient ses membres et marque de son empreinte indélébile le paysage musical du metal alternatif. Vincent (chanteur) et Julien (guitariste) me reçoivent avant leur set au Glazart à Paris. La grosse tatoua !
Interview réalisée par Hugues Chantepie


Album : Dévisager Dieu
Label : At(h)ome
Membres :
Etienne Sarthou (batterie)
Charlotte Poiget (basse)
Julien Hekking (guitare)
Vincent Peignart-Mancinichant (chant)
Tracklist :
01. Avant le jour
02. Enfants de Dieu
03. Au-delà de l’ombre
04. Ce que nous sommes
05. Un appel
06. Entre louanges et regrets
07. L’homme et le sablier
08. Pour le meilleur, le pire
09. Les abysses
Comment définissez-vous votre musique en quelques mots ?
Vincent : Pop rock musique influencée par l’ordi, non ce n’est pas vrai, je déconne ! Metal alternatif, influencé très Scandinave, mais je n’aime pas trop les étiquettes.
Pourquoi un tel mode d’expression artistique le « Metal » ?
Julien : Ce n’est pas un choix, ce sont nos influences depuis plusieurs années, le groupe existe depuis quinze ans maintenant. AqME a commencé à l’époque du néo-metal, influencé par Korn et au fil du temps le groupe est parti vers quelque chose de plus virulent, plus dur, tout en conservant une empreinte forte, à travers l’émotion des chansons, la mélancolie, le désespoir, mais également la rage et la colère.
Vincent : j’ai commencé dans un univers plus rock, plus punk et aujourd’hui nettement plus metal, mais finalement toutes ses formes d’expression musicale se rejoignent.
Et l’arrivée de Julien ?
Vincent : Julien est arrivé au moment où le groupe a voulu s’affirmer.
Julien : Le groupe voulait se diriger vers un univers plus metal et Benjamin Rubin l’ancien guitariste n’était plus en phase avec cette nouvelle direction et ne s’y retrouvait plus du tout.
Et toi Vincent ?
Vincent : Je suis arrivé tout simplement, car Thomas Thirrion était parti sur de nouveaux projets. Je n’ai pas apporté de nouvelles influences musicales dans le groupe, j’essaye juste d’apporter certains contrastes qui n’existaient pas auparavant.
Vincent es-tu musicien ou seulement chanteur ?
Vincent : Moi je chante, je ne sais rien faire d’autre, j’ai des gros doigts tout boudinés, alors pas facile de jouer de la guitare ou de la batterie !
Comment travailles-tu ta voix ?
Vincent : Il y a quinze ans que je chante, j’ai commencé par le chant clair en prenant des cours de chant. Je suis monté à Paris et j’ai repris des cours avec David Féron plus orientés vers les cris, car je voulais approfondir cette technique et au final, on bosse plus la voix claire. Mais mon objectif est d’avoir une palette vocale la plus large possible. Finalement, aujourd’hui je passe du cri à la voix claire sans aucun problème, c’est devenu naturel.
Et dans l’écriture tu penses apporter des choses ?
Vincent : Non, ça reste dans la même lignée qu’auparavant. Il y a quand même un retour de la mélodie sur cet album « Dévisager Dieu » et peut-être que je me lâcherai sur un prochain album.
Et toi Julien ton premier contact avec ton instrument ?
Julien : J’avais 13 ans, mon envie était celle d’un gamin qui voit AC/DC, Metallica, Guns N’ Roses sur scène, tout simplement. Mon père m’a acheté ma première guitare en étant persuadé de la suite des événements. J’ai été littéralement possédé par l’instrument, quelques cours au début pour les trois, quatre accords de base pour apprendre Bob Dylan ou Metallica et ensuite, j’ai fait mon petit bonhomme de chemin en écoutant des albums et essayant de les reproduire. Je suis un autodidacte, je n’ai pas de formation musicale, mais c’est le travail qui m’a amené à ce résultat.
Dites-moi, le planning d’une journée type de concert pour Aqmé comme aujourd’hui ?
Vincent : Hier on jouait à Brest, donc 700 bornes, on est arrivé à 18 heures, 7 h 30 de camion, déballement du matos, ensuite montage de la scène et des instruments. On fait les balances, on s’échauffe, on bouffe, on attend, on joue, on démonte… on s’est couché à trois heures, debout sept heures, direction Paris (Glazart), on est arrivé à 15 h 30, de plus on a crevé un pneu ! On décharge, etc… en fait sur une journée de concert, il y a 1 h 15 de plaisir, le set en lui-même, le reste, c’est de l’attente et de la route.
Julien : Il y a des franches rigolades tout de même !
Vincent : Bien sûr, heureusement que l’on s’entend bien car pour les groupes ou ce n’est pas le cas, il faut beaucoup d’argent pour avoir son tour bus perso ! On est tous enfermés dans un truc de 2 m2 ! On se marre bien. On s’amuse souvent, mais je ne relève pas tout. Les moments où l’on se marre vraiment c’est lorsque l’on est avec les groupes de Rage Tour, Black Bomb A, Dagoba, Loudblast, etc, on sait que lorsque le concert se termine une autre soirée commence. La grosse tatoua !
Vincent, comment définirais-tu ton univers d’écriture ?
Vincent : J’ai mes idées, après j’ai la vie de monsieur tout le monde, je suis dans ma routine, j’ai mon travail pour pouvoir me nourrir. Je traduis plus les injustices du quotidien. J’ai pas mal de bouquins dans ma bibliothèque, en général, j’en prends un au hasard, je pioche des mots et ça ressemble bien à ce que j’ai envie de dire et partager. Sur l’album « Dévisager Dieu » j’avais fait tous les morceaux et l’on a finalisé tous ensemble sur quelques mots, quelques tournures pour trouver un sens un peu plus direct.
Il y a une vraie démocratie dans le groupe ?
Vincent : Oui, complètement. Le morceau né aussi bien par Etienne à la batterie, que Julien composant ses propres guitares, ensuite Etienne greffe la batterie, Julien modifie un peu les structures, la manière de jouer, les harmonies. Charlotte à la basse, on s’en branle ! (Rire) non, elle met sa basse bien grasse et on la pousse un peu pour qu’elle trouve d’autres trucs et ensuite le chant. Si ça parle à tout le monde, banco, autrement on se prend la tête. Ce n’est pas, « ta partie, on s’en branle ! », tout le monde est attentif à ce que chacun fait et ça fonctionne très bien et démocratiquement comme tu l’as dit.
Pourquoi la langue française depuis vos débuts, plutôt rare à notre époque pour les groupes français ?
Julien : Depuis la naissance du groupe il y a toujours eu des textes en français. C’est l’entité du groupe, c’est quelque chose de totalement assumer. Le français, c’est difficile, mais c’est un bon challenge.
Vincent : Au fur et à mesure des années, que ce soit par Thomas où moi sur le dernier album, je trouve top ce que l’on a fait avec les textes. Quand j’ai pris la barre au chant il y avait l’album « Épithète, Dominion, Épitaphe » écrit par Thomas lorsque j’ai lu les paroles, j’ai dit : « Wouah ! ». Le genre de texte où tu pourrais avoir un tableau devant toi et le décrire morceaux par morceaux et ça donnerait un texte. Thomas en était arrivé à ce niveau-là, moi je n’ai pas cette prétention, mais dans mon autre univers apparemment ça tout de même son effet, car on a eu de bonnes chroniques en rapport aux textes.
Comment le nouveau chanteur d’AqME est-il reçu et perçu par le public en live ?
Vincent : Super bien, c’est mon univers la scène. De toute façon sur les planches, on n’est pas là pour se faire chier, mais pour partager et si je suis là seulement pour me montrer, j’arrête tout de suite. Il y a eu un peu d’hostilité au début, mais il y en aura toujours. Des gens, on dit : « AqME ce ne sera plus jamais la même chose », mais on ne peut pas leur en vouloir, les gens pensent ce qu’ils veulent. Par contre, AqME c’est une entité, une somme d’individualités et non une seule personnalité. On ne peut pas faire et chanter autre chose que du AqME, quels que soient les changements de Line-Up.
Une petite question technique, peux-tu nous dire ce que tu utilises comme matos ?
Julien : Sur scène comme en studio, j’utilise le même matériel. Une tête Marshall modifié par valve house music à Paris, une pédale clone des Rats issus des années soixante-dix et je couple avec une tête Orange Rotenberg, j’utilise le canal saturé, les deux en même temps. C’est le son obtenu aujourd’hui.
La scène rock française actuelle vous inspire quoi ?
Vincent : Du potentiel, cette culture en France est compliquée, il n’y a pas vraiment de chose instaurée. Je trouve que l’on est moins médiatisé qu’il y a 10/15 ans, ça ne nous aide pas vraiment. On sert de la merde à la télé et la scène existante aujourd’hui est plutôt courageuse et impliquée.
Vous êtes présent sur Facebook, ce contact avec vos fans via les réseaux sociaux est-il importants ?
Julien : Il y a quelques années le groupe était un peu à la traîne sur les réseaux sociaux. On a décidé de ne pas rester comme des vieux cons dans notre coin et l’on s’est mis à jouer le jeu. Depuis l’arrivée de Vincent dans le projet c’est mieux, car il maîtrise ce genre de choses et le manie avec brio. Ça change la donne, on voit la différence.
Vincent : Après l’interactivité, ça ne fait pas tout, je me souviens d’un concert où il y avait 500 personnes à l’événement, l’organisateur a dit : « c’est génial, on va tout exploser », il a fait 250 entrées, il s’est demandé : « mais que s’est-il passé ! ». Ce sont les gens qui se déplacent sur les concerts qu’il faut remercier, c’est pour cela que l’on existe. Les réseaux sociaux c’est bien, c’est de la publicité gratuite, mais ça ne fait pas tout. On fait tout pour répondre au message, il ne faut pas oublier, derrière chaque écran il y a un être humain, mais rien ne vaut le contact avec le public, tu verras ce soir, on prend le temps de discuter, prendre des photos, signer des autographes. On a passé une super soirée à partager, alors quoi de mieux qu’un véritable échange entre êtres humains.
C’est vrai, pour beaucoup d’artistes c’est devenue une évidence, la musique est gratuite. Il vaut mieux vendre du merchandising.
Julien : C’est compliqué, c’est un vrai débat et je crois que ça le restera jusqu’à la fin. On est une génération ayant connu les disques et pour moi l’objet à une vraie valeur.
Vincent : On est des gens intègres, on est un peu vieux jeu à ce sujet, on est parti en studio, on s’est retrouvé, on a voulu chercher notre son, faire les choses le mieux possibles. Chaque groupe à sa politique, mais nous on n’est pas pour la musique gratuite, tout travail mérite salaire.
Et le téléchargement, c’est un peu la même chose ?
Vincent : Non, ce n’est pas pareil, un artiste donnant librement sa musique, ou le mec à plein de pognon, il a bossé avec des majors et a vendu des millions disque, ok. On ne compte pas sur cela pour vivre, mais notre label oui. On compte sur notre label pour faire des disques dans de bonnes conditions, mais eux espèrent un minimum de retour et c’est normal.
Julien : J’avais fait cette démarche sur l’album « En l’honneur de Jupiter » j’ai essayé de faire fermer tous les liens de site de téléchargement, j’ai réussi à en faire fermer une cinquantaine, pour voir s’il y avait un impact sur les ventes et sur le disque suivant, j’ai décidé de ne pas le faire. Ça ne change rien, aucun impact.
Vincent : On essaye de faire un album de qualité à l’écoute pour les gens, après celui qui décide de télécharger un mp3 aura un son pourri et celui qui achète le cd aura un pur son. Moi je vois la différence, j’ai les deux, quand je mets un cd dans ma bagnole, je me dis : « Whoua, ok y’a du son ! », j’écoute un beau produit.
Julien : Hormis le téléchargement, la génération d’aujourd’hui, au niveau des enregistrements et de la production, ça devient un peu triste avec des choses de plus en plus FM. Les gens s’habituent à écouter des choses de plus en plus aseptisées et c’est dommage. On essaye de faire la meilleure production possible pour retranscrire les émotions et les sentiments véhiculés dans notre musique.
Alors justement, Etienne à la prod ?
Vincent : Pendant des années le son a été forgé à travers des mains différentes avec le côté très scandinave d’AqME et Etienne restait collé constamment à la console. C’est une phase à laquelle il a toujours été très sensible. Etienne était prêt et il nous a dit : « si on veut qu’AqME soit AqME, il faut le faire maintenant et c’est moi qui m’y colle » Avoir Etienne en prod et en DA c’est du bonheur, du 100 % AqME !
Et au niveau tempérament il était un peu différent ?
Vincent : Un peu, il fallait une stature un peu extérieure au groupe alors qu’il ne l’est pas à la base. Il y a eu quelques tensions, mais pas de conflit d’ego, juste sur certaines idées à concrétiser, mais ça passait super vite.
Vous faites certaines versions acoustiques ou pas ?
Julien : Sur cet album, on ne s’y est pas vraiment attardé, je sais que le label nous a vaguement demandé, mais ça ne nous tente pas trop par rapport à la musique produite par le groupe aujourd’hui. Ce n’est pas un exercice que nous avons envie de mettre en avant actuellement, même si cela est un peu une mode en France. On n’est pas un groupe de chansons Françaises, malgré l’intérêt de l’exercice.
Je vous laisse le mot de la fin.
Vincent : Bougez-vous le cul, venez au concert, continuez à faire vivre les groupes autour de vous. Si vous aimez la musique faite en sorte qu’elle reste vivante.
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