« Le choc des cultures ! »
Entre tradition et metal, Acyl distille un son aux saveurs chaudes de l’Orient et sont porteur d’une idée fédératrice, d’un rapprochement des peuples à travers leur musique et leur racine. Acyl navigue sans complexe entre deux mondes opposés pour en fusionner avec élégance les sons imprégnés d’histoire Algérienne et ceux plus bruts venus à l’origine d’Angleterre et d’Amérique. En repoussant les frontières de l’incompréhension, Acyl prouve avec force de conviction que le metal est avant tout une forme artistique libératrice de bons sentiments. Oubliez les clichés, la chaine de l’évolution fait son travail ! Rencontre avec Amine (chanteur), Abder’Rahman (guitariste) et Reda (guitariste) avant leur concert à guichet fermé au Petit Bain à Paris.
Interview réalisée par Hugues Chantepie


Genre : Folk Metal
Ville d’origine : Paris
Album : Aftermath
Sortie : 16 avril 2016
Membres :
Salah : Basse, Choeurs, PercussionsAmine : Chant, Guitare, Mandoline, Percussions, ProgrammationMichael : Batterie, Choeurs, SamplesAbder : GuitareReda : Guitare, Choeurs, Percussions
Tracklist :
01. Numidia
02. Mercurial
03. Gibraltar
04. Finga
05. Son of Muhieddine
06. The Battle of Constantine
07. Tin Hinan
08. Gaetuli
09. Equanimity
10. Pride
Comment définissez-vous votre musique en quelques mots ?
Amine : On peut juste résumer cela en metal ethnique, car le terme « world music » me pose un petit problème, On ne peut pas dire la musique c’est ça et le reste c’est de la « world music », ce n’est pas une appellation très juste, elle définit les actes principaux, vendeurs, alors que la musique peut venir du fond du botswana, on préfère donc se focaliser sur le terme « ethnique ».
Mais le terme « ethnique » ne vous isole pas ?
Amine : non, on appartient tout de même à la famille du metal, mais avec énormément de références de chez nous.
Pourquoi le choix d’un tel mode d’expression artistique le « Metal » ?
Amine : ce sont des choses que l’on ne choisit pas.
Abder’Rahman : c’est une musique que l’on apprécie depuis notre plus jeune âge et on a notre background traditionnel que l’on a trouvé judicieux de mélanger avec le metal. C’est comme cela que naissent les choses, par envie de fusion.
Vous avez vécu longtemps en Algérie ?
Amine : On est né, on a grandi là-bas, on y a fait nos études et ensuite on s’est installés en France. On a toujours baigné dans cet univers musical aussi bien en Algérie, qu’en France. Finalement, la combinaison est spontanée, si dès le début tu es fan de rock/metal et qu’en parallèle tu baignes dans ta musique traditionnelle au quotidien, cette fusion nous permet de nous identifier en matière de musique et de culture.
Mais pour vous entre votre musique traditionnelle et le metal il n’y a pas un fossé culturel ?
Abder’Rahman : depuis quelques années le metal n’a plus vraiment de limite, effectivement il y a de grands courants qui en on posé les bases, mais avec les années, on y a découvert des formations et des mélanges de plus en plus farfelus et de nouvelles sonorités. Toute la mouvance scandinave s’est appropriée le metal américain pour en faire ce que l’on connaît aujourd’hui. Pour nous, ce n’est donc pas insensé d’intégrer notre background culturel et il fait partie intégrante de notre création. Sans oublier que la culture algérienne est très diversifiée, notre but étant de parcourir toutes ces mouvances nord-africaines et de les intégrer dans le metal. Le mot qui définit le mieux la musique d’Acyl c’est « spontané ».
Vous avez donc un album en préparation ?
Amine : Il est terminé, mais il n’y a pas encore de son, faute à des problèmes de logistique. La sortie officielle est prévue pour le 16 avril.
Pourquoi une si longue attente (4 ans) pour sortir un nouvel album ?
Amine : Il fallait déjà promouvoir le premier, on a fait deux tournées en 2013 et 2014. Ce qui n’est pas évident, c’est d’aller chercher toutes ces sonorités. On a beaucoup de déplacements à faire, il faut aller chercher les musiciens où ils sont. Acyl veut dire « authentique », si j’ai envie de mettre le son d’un instrument comme le luth, sur un style précis, j’ai envie d’aller voir le musicien sur place et travailler, développer avec lui des sonorités en direct dans son environnement avant de pouvoir l’intégrer dans Acyl.
Abder’Rahman : L’aventure humaine est quelque chose de très important pour nous.
Amine : sur la pochette du prochain album, vous pourrez y découvrir une douzaine d’intervenants. Je préfère donc prendre le temps et proposer un produit authentique.
Comment intégrez-vous tout cela sur scène ?
Amine : tout ce qui est faisable techniquement, on le fera nous-mêmes sur scène. On est tous pratiquement multi-instrumentistes, en toute modestie, mais c’est vrai que l’idéal serait d’avoir sur scène le musicien traditionnel d’origine présent sur l’enregistrement. On a juste un petit processus de simplification, mais nous voulons présenter ces instruments particuliers sur scène, ça fait partie intégrante de notre démarche. Tu vas découvrir également de la danse sur scène, on veut également apporter cela et dire, voilà, le metal est là, mais également la musique traditionnelle avec son folklore. Le tout constitue l’identité d’Acyl et représente notre culture.
Pour vous cette culture n’est pas encore assez ouverte et représentée ?
Amine : il faut vraiment la chercher pour la retrouver cette culture, nous on essaye un peu de la représenter en France et on a la chance d’avoir une tribune.
Peux-tu me parler des thématiques principales des textes ? comment amènes-tu cette culture ?
Amine : ça dépend, sur nos trois cd que l’on a réussi à produire, on essaye de suivre une certaine logique pour exposer qui nous sommes et d’où nous venons. Dans le premier album « The Angel’s Sin », lors de notre arrivée en France, nous avons parlé de notre parcours, de nos points forts, de nos faiblesses, ce que l’on pouvait apporter et apprendre. Pour le deuxième album « Algebra » on s’est exprimé avec un concept plus généraliste, en tant que berbères, arabes et musulmans, on a expliqué artistiquement ce que l’on a pu apporter au monde en tant qu’entité qui s’étend de l’Extrême-Orient au Maroc. Voilà qui nous étions, qui nous sommes et vers quoi nous voulons aller. On passe par un cycle qui va forcément évoluer. Le prochain album sera beaucoup plus précis, là on s’adresse au monde en tant qu’Algériens et pour cela on a choisi neuf personnages depuis l’Antiquité, nés et morts en Algérie. Ces personnages ont apporté énormément de choses à ce pays et l’on veut véhiculer, à travers eux, une idée de cohabitation.
Par rapport à votre démarche artistique, la religion est-elle liée à votre message ?
Amine : non, la religion est un détail.
Abder’Rahman : la religion c’est quelque chose de déjà ancré, c’est une musique tribale liée à la religion par le fait que c’est une chose instaurée chez nous dans le folklore. Lorsque les tribus chantent des chants religieux, on les reprend, mais absolument pas pour délivrer un message. On a plutôt une vision universaliste.
Amine : la religion, ça reste très personnel. Personne n’a le droit de parler de religion avec l’autre, c’est notre vision. Chacun a ses convictions, il ne faut pas les imposer ni se les faire imposer.
C’était important de vous la poser surtout avec les récents événements.
Amine : tout à fait. Mais le but également, on a un public algérien et l’on a envie d’éduquer ces gens-là aussi à travers nos personnages, certains faits historiques. On veut montrer certaines choses méconnues en matière de tolérance et d’acceptation de l’autre, le combat, il est là également. On veut réconcilier cette culture avec le petit jeune algérien et lui dire regarde.
Vous êtes perçus comment en Algérie ?
Amine : je ne saurais pas le dire, il faudrait leur demander. On a de bons retours et des messages d’encouragement.
Abder’Rahman : lorsque l’on joue en Algérie, le retour de l’auditoire est plutôt positif.
Il y a une vraie scène metal là-bas ?
Abder’Rahman : elle est très underground, mais oui. Avec l’évolution des moyens de communication les choses deviennent plus faciles. On est plus dans la mondialisation de l’underground qui crée une ouverture.
Parlez-moi un peu de votre façon de travailler, vous faites tous comme Amine, à chercher des idées en voyageant ?
Amine : à quelques différences près. Le travail se fait collectivement, savoir de quoi on voulait parler, le travail a eu lieu déjà depuis huit ans. Personnellement, j’écris et je leur transmets, Acyl c’est le premier public de Acyl. C’est les autres membres du groupe qui me disent « là c’est ambigu, ce n’est pas assez clair… », on fait notre propre autocritique. Pour la musique c’est identique, tout se passe en discutant, car nous commençons par le traditionnel. On fait donc un choix et on réfléchit à la manière de le traduire en terme de metal et l’on fait des compromis en échangeant nos idées. Il faut savoir que la musique s’inspire toujours des textes, jamais l’inverse. Si j’ai envie de chanter l’amour, j’ai envie de savoir ce qu’est l’amour pour lui appliquer une mélodie. Si j’ai envie de chanter la haine, je veux savoir de quoi je parle à travers ce sentiment. Les éléments traditionnels restent des créations pures d’Acyl mais inspirés de la tradition.
Abder’Rahman : pour faire un parallèle, c’est comme si tu voulais faire du bal musette français, c’est en trois temps, plutôt valse avec des accordéons, ça pose les bases pour faire de véritables créations.
Amine : la chose principale chez nous c’est le rythme, c’est lui qui va définir l’orientation du titre. Comme les rythmes traditionnels sont assez éclectiques, ça nous laisse une palette assez large pour créer. c’est diversifié également dans le metal, donc finalement on a une grande liberté à travers ce style musical.
Reda : on essaye d’être homogène dans nos compositions, autrement on partirait dans tous les sens.
Comment ça s’est passé en studio ? des anecdotes ?
Abder’Rahman : notre chanteur a voulu intégrer « born to be alive » dans la musique et on a refusé, malgré son insistance ! (rire)
Amine : j’étais parti dans le sud algérien à l’ouest dans une région qui s’appelle Béchar, on est arrivé en avion dans la grande ville, mais il fallait retrouver le musicien qui vivait dans une oasis, je me suis perdu pendant deux jours en 4×4.
Reda : il faut savoir que deux jours dans le sud algérien ce n’est pas grand-chose, la valeur du temps et des distances est très différente et tu es vite pris pour un contrebandier. On avait surtout peur d’être perdus dans un immense désert, c’était vraiment chaud ! je me suis dit : « j’aurai dû faire ça avec un clavier ! » (rire) ça reste des beaux souvenirs.
Ton premier contact avec ton instrument le chant ?
Amine : au début j’étais fan de Wham ! (rire collégial) j’ai commencé en tant qu’enfant de chœur, je viens de la région de Constantine connue pour sa musique le Malouf et au fur et à mesure tes états d’âme t’orientent là où tu es le plus à l’aise et tu te retrouves chanteur d’Acyl.
As-tu une façon particulière de travailler ta voix ?
Amine : au début autodidacte et avec les moyens de communication dont on dispose, des méthodes existent et je les ai bossées de manière régulière.
Reda : faire des reprises de génériques de dessins animés, il adore ça ! (rire collégial)
Ton premier contact avec ton instrument la guitare Reda ?
Reda : déjà en tant que fan ! ça commence toujours par des reprises, ensuite j’ai eu une période très scandinave, ensuite on murit dans la façon d’aborder le metal et notre musique traditionelle que l’on a tendance à dénigrer plus jeune nous rattrape en vieillissant et le fait de venir en Europe amplifie ce besoin de nos racines musicales de notre pays natal. Lorsque que l’on est en Algérie on a tendance à penser que ce qui marche c’est ce qui se fait en Europe et une fois de l’autre côté on a envie d’en faire une force. Ma première guitare c’était une mandoline où j’avais pété une corde, j’avais donc un instrument à trois cordes et j’essayais de composer avec ! On était jeune ! (rire)
Ton premier contact avec ton instrument la guitare Abder’Rahman ?
Abder’Rahman : je n’ai pas écouté Wham ! (rire collégial) je vais être très franc avec vous, je ne l’ai jamais dit à personne, mon premier contact avec la musique c’était « Careless whisper » de George Michael, pour parler metal j’étais fan de Metallica et Megadeth, j’ai tout appris en air guitare lorsque j’étais gosse, ça m’a donné ensuite l’envie de passer à l’étape supérieure et à acheter une guitare pour en jouer. C’est une belle manière de te retrouver seul avec toi-même.
Vous avez déjà une expérience de la scène. Un souvenir ?
Amine : ah oui, franchement ! ici en Europe et en France depuis 2010 on s’éclate vraiment. On monte en puissance chaque année, ce qui est kiffant c’est que les gens découvrent des choses sur scène. Parfois le milieu du metal peut être saturé et on a cette envie de vouloir apporter quelque chose de nouveau. On sent juste parfois une certaine méfiance du public au début par rapport aux instruments traditionnels que nous présentons.
Reda : moi, j’ai une bonne anecdote, on a quand même réussi à faire danser des Vikings sur un festival organisé sur un site archéologique où ils ont reconstitué leur mode de vie. C’était génial ! C’est là que tu vois que le viking est gentil ! (rire collégial)
Abder’Rahman : on s’est vachement enrichis avec la tournée Dark Tranquillity, ils nous ont montré leur ouverture et ce qu’ils savent faire sur scène nous a inspirés. C’est des gens au service de l’autre, même si nous ne sommes qu’un groupe en développement. Martin Brändström le claviériste il regarde notre set, ce sont des musiciens qui partageaient leurs expériences et je ne m’attendais vraiment pas à cela.
Vous êtes présents sur Facebook, ce contact avec vos fans via les réseaux sociaux est-il important ?
Amine : on ne veut pas être donneurs de leçon, on a souvent des petits gars qui nous appellent et j’ai vraiment envie d’aller au fond des choses pour qu’ils ne soient pas isolés. Je veux que le jeune vive sa passion sans omettre sa réussite scolaire. En ce moment en Algérie, il y a une tendance à vouloir diaboliser les metalleux, ce sont des satanistes, etc, et les jeunes se battent encore pour essayer de prouver le contraire. On essaye d’aller dans le même sens qu’eux, de les organiser en collectif pour montrer à la société algérienne que même s’ils sont atypiques dans un pays musulman (ils le sont 1 000 fois plus qu’en France) ils peuvent être efficaces et évoluer dans la vie d’une manière saine. Les gens cherchent parfois des raccourcis pour pouvoir se rassurer et c’est dommage. Je ne leur en veux pas, car un parent qui va voir son petit adolescent commencer à s’habiller en noir, ça peut être inquiétant. Quelqu’un qui n’a rien à voir avec le metal va dire tout de suite c’est dangereux, tu vas égorger des poules, des chats, boire leur sang, etc., les gens partent vite dans des délires.
Abder’Rahman : c’est la peur de l’inconnu, c’est humain.
La scène rock française actuelle vous inspire quoi ?
Amine : moi , j’aime bien dès que ça chante en français, ça peut paraître paradoxal. Un groupe comme Orakle essaye de transmettre sa langue et sa culture. Comme nous essayons de le faire avec les parties arabes, berbères.
Je vous laisse le mot de la fin.
Amine : Sortie de l’album le 16 Avril !
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