« Je n’en ai rien à foutre ! »
Doit-on encore présenter les Wampas ? 33 années passées au service d’une certaine idée du Rock’n’roll n’ont pas entamé la volonté de Didier Wampas. Son secret ? Il s’en fout ! Punk dans l’âme jusqu’à la dernière goutte de sueur qu’il déverse soir après soir sur scène. L’énergie de cette fameuse année 1977 où il a pris le punk en pleine face…
Interview réalisée à l’Empreinte par Christophe Favière


Genre : Punk Rock
Ville d’origine : Paris
Album : « Font la gueule”
Sortie : 2014
Label : Verycords
Tracklist :
1- Les Ravers De Spezet
2- Mars 78
3 – Je Voudrais
4- Toi Et Moi
5 – La Fille Du Train Chenille
6 – Julie London
7- Marfa
8- Le Bug De L’an 2000
9- Les Lesbiennes Bavaroises
10- Victoria
11- Valérie
12- Le Fest-Noz D’halloween
13- C’est pas moi qui suis trop vieux, votre musique c’est vraiment de la merde !
Alors, la retraite, ça se passe comment ?
Bien, bien, très bien la retraite, certains, malheureusement, ne connaîtront pas, mais je le conseille à tous !
Les Wampas ont 30 ans c’est le bel âge pour toi ?
33 même, il n’y a pas vraiment de bel âge pour moi, ou plutôt tous les âges sont bien. J’ai toujours l’impression de commencer et que je suis au début d’une nouvelle histoire.
D’une nouvelle aventure ?
Oui c’est ça, c’est con à dire, mais chaque soir tu montes sur scène et c’est une nouvelle aventure. Des mecs blasés, alors qu’ils n’ont fait qu’un seul album, j’en connais plein, alors quand tu regardes le monde, rien qu’en France, tu te dis qu’il y a plein de choses à faire et par rapport à ce que j’ai au fond de moi, j’ai vraiment l’impression de ne pas avoir fait grand-chose, d’avoir encore plein de trucs à faire.
De toute la clique rock alternatif des années quatre-vingt vous êtes presque les seuls à être encore là ?
Il y a La Sourie Déglinguée qui a poursuivi en alternance, mais pas comme nous à sortir des disques et faire des concerts.
Tu regrettes un peu cette époque ?
Non, non, c’était bien, je n’ai pas de regrets. C’était un super-mouvement, il n’y avait pas seulement les groupes, certains ont monté des studios, d’autres faisaient les pochettes de disques, ou encore des fanzines, les gens s’organisaient, montaient des sonos pour les concerts et cela a vraiment donné quelque chose de super bien.
En fait aujourd’hui, il ne se passe plus vraiment grand-chose dans cette veine et c’est beaucoup moins médiatique.
On s’en fout d’être médiatique ! Au début du mouvement alternatif, il n’y avait pas d’argent, la seule chose à faire c’était de réussir à s’organiser pour jouer en en public et sortir des disques. On ne gagnait pas d’argent et c’était bien, mais aujourd’hui les mômes se disent, je vais faire un groupe, être intermittent, passer à « The Voice ». Je vais peut-être passer pour un vieux con, mais il n’y a vraiment plus la même mentalité et si tu montes un groupe de rock pour gagner de l’argent, c’est foutu d’avance.
Depuis vos débuts le style des Wampas à quand même pas mal évolué, mais toujours reconnaissable entre mille, par quoi avez-vous été inspiré au fil des années ?
Pas tant que ça. À part le premier album vraiment Psycho, je n’ai pas l’impression d’une grosse évolution.
Pourtant, le deuxième album sonne beaucoup plus « Surf music » ?
Oui, c’est la guitare de Marc (NDR : Marc Police, guitariste du groupe décédé en 1991) qui sonnait très surf. Pour moi il y a deux Wampas, jusqu’à « Les Wampas vous aiment » et ensuite je suis passé à l’écriture de toutes les chansons et ce n’est plus les mêmes Wampas.
Justement, les Wampas c’est une dictature ou une démocratie ? Comment vous fonctionnez ?
Ni l’un, ni l’autre ! De toute façon ça ne peut pas être une démocratie, c’est moi qui écris tout ! Si tout le monde dit, il ne faut pas parler de-ci ou de ça, tu ne mets plus rien dans tes paroles, c’est trop personnel, C’est comme Marcel et son Orchestre, Franck ne pouvait rien chanter parce que les autres ne voulaient pas de tel ou tel sujet. Au bout d’un moment tu ne parles plus de rien à part « pouet-pouet », ce n’est pas super-intéressant. Comme c’est moi qui chante, je chante des choses qui me touchent et le batteur n’est pas forcément sensible à tes histoires à toi. Donc, ça ne peut pas être une démocratie totale.
Et au niveau de la musique ?
Dans les premiers temps, on écrivait les chansons à deux avec Marc. À sa mort, Philippe (NDR : Philippe Almosnino, ex-Wanderers, légendaire groupe parisien et ex-Dogs) est rentré dans le groupe, sur scène il faisait le boulot, mais il n’écrivait pas de chanson. Alors, j’ai pris ma guitare et j’ai écrit « C’est l’amour » avec un doigt et je me suis dit « finalement ce n’est pas dur d’écrire des chansons » et voilà, depuis j’écris toutes les chansons. On a déjà de la chance que ça puisse fonctionner comme ça. Ensuite, les autres font ce qu’ils veulent, on arrive en répète, je joue ma chanson, mais je ne dis pas aux autres ce qu’ils doivent faire, chacun fait son boulot.
Au fil des tournées, vous jouez avec pas mal de groupes qui ouvrent pour vous, vous avez eu de bonnes surprises, la scène rock française actuelle vous inspire quoi ?
Il y a des groupes bien et il y en a plus qu’il n’y en a jamais eu. Aujourd’hui, c’est plus facile, il y a plein de studios pour répéter, de bars pour jouer. Et parfois on a quelques belles surprises en première partie. Mais je ne sais pas trop ce que ça m’inspire, je serais un très mauvais imprésario et en directeur artistique, carrément nul ! Par exemple, la première fois que j’ai entendu les BB Brunes, une chanson comme « Le gang », je n’y croyais pas, j’ai vu l’âge des mômes et j’ai adoré. Mais franchement, je ne pensais pas qu’ils auraient autant de succès.
Mais tu suis quand même un peu la scène rock française ?
Oui, j’écoute beaucoup les groupes qui sortent, mais je ne vais pas te donner de nom, sinon je vais en oublier et ça va faire des jaloux ! Mais il y en a vraiment plein.
Et avec ton vécu, tu penses que tu as un héritage à transmettre, l’esprit punk, l’esprit Rock’n’roll…
L’esprit punk non, mais j’ai l’impression qu’il y a un truc qui a vrillé dans la façon de penser des gens. Je vais encore passer pour un vieux con, mais aujourd’hui les gosses qui veulent faire du Rock, ils ont grandi avec la Star Ac’ et même s’ils ne le veulent pas, ils sont influencés par ça. Il n’y a plus cet esprit de liberté de dire, « on s’en fout » que nous avions à l’époque. Les groupes de punk, c’est pareil, ils ont un esprit tout petit : jouer pour des punks, dans des squats de punks avec des paroles de punks ! Mais ce n’est pas ça, le punk c’est faire ce que l’on veut, comme on veut. Aujourd’hui être punk c’est devenu une toute petite boîte dans laquelle il faut être habillé comme ça, faire telle musique et penser comme ça. Mais à l’époque, si on avait pensé comme ça, aucun groupe n’aurait été punk !
Et tu te sens toujours punk ?
Et bien, si c’est pour faire ce que l’on veut, comme on veut, oui. Je n’ai pas l’impression d’avoir trahi le gosse que j’étais en 77. J’essaye vraiment de garder cet esprit. À 15 ans, j’ai cru à quelque chose lorsque le punk a déboulé. J’ai vécu un truc très fort, ça m’a réellement apporté quelque chose, il y avait une telle liberté, tous ces groupes faisaient une musique différente, ils étaient habillés différemment, entre les Jam, les Stranglers, les Damned, ce n’était pas du tout la même musique, et pourtant c’était l’esprit punk. À notre époque aucuns de ces groupes ne seraient considérés comme punk !
Tu es engagé dans une cause ? Sinon une qui pourrait te motiver ?
Oui, on a déjà fait pas mal de concerts pour le Sidaction, c’est important pour des causes comme ça. Parfois, j’ai vachement envie de m’engager politiquement, mais je me dis de quel droit, parce que les gens aiment ma musique, je vais leur dire pour qui voter ? C’est débile, je n’ai pas le droit de faire ça. Parfois ça démange, mais ça reste un peu ambigu de faire ça. Aux dernières présidentielles, j’ai fait un petit truc pour soutenir Hollande parce que je n’avais vraiment pas envie du retour de Sarkozy, finalement Sarkozy je m’en fous, tu as le droit d’être de droite, sinon ce n’est plus une démocratie. Mais il a tellement pompé les idées du FN, qu’a un moment tu ne peux plus te taire, mais je n’aime pas trop ça.
On va parler un peu de nouvelles technologies, pour toi la chute de l’industrie musicale, le téléchargement, c’est un bien pour la musique ou pas ?
Ah non, moi je m’en fous, ce n’est pas mon boulot de vendre des disques, je fais de la musique. Je n’ai jamais voulu monter de structure, d’association, de maison de disques. Parfois on me dit : « si je montais une maison d’édition, je gagnerai plus de fric », mais je n’en ai rien à foutre, je ne veux rien de tout ça ! Si tu commences à monter une association pour faire ton disque, à la fin de l’année, il te faut un comptable et faire du punk avec un comptable dans le dos… Il y aura toujours des gens pour faire de la musique, des gens pour en écouter et d’autres pour gagner de l’argent en mettant les deux en relation. Ces histoires de maison de disques avec Bérurier Noir, l’alternatif, pas le droit de signer chez une major, mais tous les groupes punk étaient chez eux, les Clash étaient chez CBS, où était le problème ? Moi, mon plus grand bonheur, c’est d’avoir fait un disque chez Universal parce qu’on s’est fait racheter et ils ont perdu de l’argent ! Il n’y a rien de mieux que de sortir un disque et de faire perdre de l’argent à Universal. Que veux-tu de plus punk ? !
Et le téléchargement, les réseaux sociaux, tu en penses quoi ?
Je trouve ça super ! Même si, j’aimais bien aller chez New Rose à Paris (NDR : principal disquaire puis label indépendant parisien spécialisé dans le rock, le punk et les musiques alternatives, fermé en 1993), j’y ai acheté le premier Stiff Little Fingers qui n’existait qu’en import, ce sont de bons souvenirs, mais c’est bien de tout pouvoir écouter tout de suite, il ne faut pas être trop nostalgique. Facebook et compagnie, c’est génial, tu gardes le contacte avec les gens, tu préviens pour les concerts, c’est très bien tout ça, je suis pour ! Je passe mes journées sur mon iPhone, j’écris mes chansons sur mon iPad, je m’enregistre et je trouve cela pratique.
Didier Wampas est geek ?
Ah oui, oui, oui !!!
Comment les Wampas se sont retrouvés à l’affiche du Hellfest ?
Je ne sais pas ! C’est pareil, les concerts, je ne m’occupe de rien, on a un tourneur et je découvre au fur et à mesure où l’on joue le lendemain. C’est comme pour les disques, il faut des gens qui s’occupent de ça, parce que si tu commences à monter tes tournées, tu passes ton temps à faire cela et je n’en ai vraiment pas envie, ce n’est pas mon boulot.
Mais ça te plaît l’idée de jouer dans des endroits où vous n’êtes pas vraiment attendu ?
Ils vont y programmer quand même un peu de punk et même si on l’est un peu moins musicalement, ce n’est pas grave, ça va faire un plus grand choc avec les gens, ça risque d’être drôle. Parfois, je me dis : « j’aimerais bien faire des premières parties de trucs de variétés tout pourris, genre Patricia Kaas, imagine la gueule du public, ce serait vraiment bien ! » Déjà quand on a ouvert pour Louise Attaque au moment où ils ont vendu trois millions d’albums, leur public, c’était des familles, moi je me peignais la tête en rouge et les gamines au premier rang, elles avaient peur. C’était marrant.
On croise un peu toutes les générations aux concerts des Wampas, ça te plaît ?
Oui, je suis content, car il y a de plus en plus de mômes de huit ou neuf ans qui viennent aux concerts, j’aime bien ça, c’est bon signe pour la suite…
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